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Sommes-nous prêts à confier nos décisions d’achat à une IA ?

Par  Patricia Rossi , SKEMA Business School et Mariyani Ahmad Husairi , Neoma Business School Beaucoup de ce que nous faisons semble porter la marque de l’ intelligence artificielle (IA) et des algorithmes . Ils sont censés nous faciliter la vie en prenant en charge certaines tâches . Jusqu’à bientôt nous aider à choisir au moment d’effectuer des achats  ? Le processus de décision peut s’avérer complexe : prendre conscience d’un besoin ou du désir de quelque chose, recueillir des informations sur les différentes possibilités qui s’offrent à nous, les comparer, puis enfin choisir. Ce processus peut aller plus ou moins vite : plus nous sommes impliqués dans le produit, plus nous réfléchissons à chaque étape de ce processus. L’IA peut y intervenir au moins à deux titres. D’abord, lorsqu’elle recommande quelque chose, elle réduit les choix à notre place. Elle prend en charge une partie de la collecte d’informations sur les produits concurrents et la comparaison des alternatives poss

Facebook et son « métavers » : le cauchemar devient-il réalité ?


Une personne avec un casque de réalité virtuelle. Lux Interaction/Unsplash, CC BY-SA

Par Andreas Kaplan, ESCP Business School

Lorsqu’il y a plus de 10 ans, en 2010, avec Michael Haenlein, professeur de marketing également à ESCP Business School, nous avons identifié les mondes virtuels comme des médias sociaux, notre raisonnement a souvent été remis en question. Pour nous, cependant, le lien était plus qu’évident puisque, à l’époque, nous avons fait beaucoup de recherches sur ces mondes virtuels, notamment « Second Life ». Récemment, notre logique a été confirmée lorsque Facebook, colosse des réseaux sociaux, a annoncé son entrée dans le monde des métavers, c’est-à-dire des mondes virtuels.

Nos recherches sur Second Life, un monde social virtuel tridimensionnel lancé en 2003, ont montré que nombre de ses utilisateurs, sous la forme d’avatars personnalisés ou, en d’autres termes, de représentations graphiques du caractère ou de la personnalité d’un utilisateur, considéraient ce monde virtuel non pas comme un simple jeu, mais comme une extension de leur vie réelle.

Dans Second Life, les utilisateurs interagissent avec d’autres personnes en temps réel, se rencontrent et se parlent, deviennent amis et cultivent leur réseau, voire vendent et achètent des produits virtuels en utilisant la monnaie virtuelle de Second Life, le linden dollar, qui peut être obtenu soit en échangeant des dollars US, soit en travaillant et en gagnant un salaire (virtuel). Une possibilité de gagner sa seconde vie est de créer des produits virtuels en les vendant dans sa propre boutique (virtuelle également). Mais aussi la spéculation immobilière semble opportune. Ainsi, Anshe Chung, alias Ailin Graef, aurait gagné un million de (vrais) dollars US en acquérant de grands terrains virtuels qu’elle a revendus en petites parcelles pour plus cher.

Gagner du vrai argent est possible, car les Linden Dollars peuvent également être ré-échangés en dollars US, ce qui permet de gagner de l’argent réel, ce qui, déjà à l’époque, avait créé de sérieux maux de tête aux avocats fiscalistes et aux autorités fiscales.

Un monde virtuel plus attrayant que la réalité

Les utilisateurs décrivaient Second Life comme étant plus attrayante que la réalité, que leur vie réelle, leur première vie. L’utilisateur moyen de notre échantillon avait déclaré qu’il utilisait Second Life environ 4 heures par jour, avec une médiane de 2,8 heures. Pourtant, certains d’entre eux passaient plus de 16 heures par jour dans cet environnement virtuel, n’utilisant leur vie réelle que pour dormir. Pour cette recherche, nous nous sommes basés sur une série de 29 entretiens qualitatifs en profondeur que nous avons conduits auprès de résidents de Second Life venant de partout au monde et avec une moyenne d’âge de 35 ans.

Qu'est-ce que Second Life ?

Sur la base de nos recherches, nous avons identifié quatre motivations principales pour l’utilisation de Second Life : la recherche de distractions, le désir de nouer des relations personnelles, le besoin d’apprendre, et le souhait et la possibilité mentionnés ci-dessus de gagner de l’argent.

Alors que le battage médiatique autour de Second Life a rapidement diminué, le métavers de Facebook pourrait effectivement être le début d’une autre histoire, plus importante.

Le fait de choisir pour Facebook le nom de métavers, une combinaison de méta, qui signifie au-delà, et de l’univers, n’est en effet pas anodin. L’écrivain américain de science-fiction Neal Stephenson a utilisé ce terme exact pour décrire son monde virtuel imaginaire dans son best-seller de 1992 Snow Crash. Dans ce roman, qui se déroule au début du XXIe siècle, Stephenson raconte l’histoire du livreur de pizza : Hiro, qui vit physiquement à Los Angeles, mais qui passe virtuellement la plupart de ses journées dans le métavers, où des avatars assistent à des concerts, vont au travail ou consomment des drogues virtuelles, comme le pseudo-narcotique Snow Crash. Le métavers devient si populaire que certaines personnes décident même d’y rester connectées en permanence en passant leur vie réelle dans des unités de stockage, entourées seulement de l’équipement technique nécessaire pour entrer dans le monde virtuel.

Neal Stephenson décrit fictivement ce que Second Life a partiellement transformé en réalité il y a près de vingt ans et ce que Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, semble avoir en tête pour son métavers récemment annoncé, qui semble devenir une version plus avancée de Second Life appliquant les dernières technologies en matière de réalité virtuelle et augmentée. Grâce à un casque de réalité virtuelle, les utilisateurs feront et verront tout en trois dimensions. Assister à un concert de son idole ou flâner aux Galeries Lafayette avec ses amis tout en restant chez soi ne sera plus aucun problème. Même les expressions faciales du porteur du casque, équipé d’un lecteur biométrique, pourront être reproduites sur le visage virtuel de l’avatar correspondant. Ainsi, pour Mark Zuckerberg, le métavers simplement révolutionnera l’idée même d’Internet.

Le moment est peut-être bien choisi. Au cours du Covid-19, l’état d’esprit de la société à l’égard des environnements numériques a considérablement changé, ayant connu des heures de réunions virtuelles sur Zoom, Google Meet ou Microsoft Teams. La question qui se pose est de savoir pourquoi un tel métavers pourrait devenir le cauchemar de la société ?

En 2010, nous avions terminé notre analyse en concluant que les utilisateurs n’avaient « rien à perdre que leurs chaînes ». Aujourd’hui, davantage semble être en jeu. En supposant que les progrès de l’intelligence artificielle (IA), de l’automatisation et de la transformation numérique laisseront une part importante de chômeurs vivre avec une forme de revenu de base universel, on peut se demander comment ils rempliront leur journée ?

Le métavers n'est pas pour tout de suite

Il y a déjà plus de 10 ans, plusieurs utilisateurs de Second Life ont déclaré qu’ils préféraient leur vie virtuelle à leur vie réelle. Avec un environnement virtuel bien amélioré, offrant plus de fonctionnalités et d’opportunités (virtuelles), n’y a-t-il pas plus de gens qui préfèrent transférer leur vie dans le métavers ? À quelle distance sommes-nous d’un monde comme celui illustré dans le roman de Neal Stephenson ?

Pour l’instant, Facebook a annoncé que la réalisation complète du métavers prendra 10 ans ou plus, même s’ils dépenseront des milliards de dollars américains pour lui donner vie. On peut également se demander si Facebook réussira dans cette entreprise compte tenu de son historique de lancements de nouveaux produits – et de leurs échecs (juste pensez à Parse, Beacon, ou encore Facebook Credits). Pourtant, ce n’est peut-être pas la bonne question à se poser. Facebook a remis sur la table l’idée d’un monde virtuel. Si ce n’est pas eux, une autre entreprise prendra le relais. Les véritables questions doivent être les suivantes : que signifierait un tel développement pour notre société, et si cela est souhaitable pour l’humanité ? Comment se préparer au mieux à une telle évolution éventuelle ?The Conversation

Andreas Kaplan, Rector, ESCP Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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