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Apprendre à désapprendre : le nouveau défi de l’intelligence artificielle

Par  Martin Van Waerebeke , Inria et Marco Lorenzi , Inria Vos données vous appartiennent. Du moins, c’est ce que prévoit la loi européenne sur la régulation des données (RGPD). D’une part, elle limite la collecte de vos données par les entreprises privées à ce que vous avez consenti. D’une autre, elle vous permet de demander l’effacement total des informations vous concernant des serveurs de cet acteur : il s’agit du droit à l’oubli. C’est ce second volet qui nous intéresse ici, et son applicabilité dans le monde moderne. Si supprimer quelques lignes d’une base de données n’a rien de compliqué, la tâche devient nettement plus périlleuse quand l’ intelligence artificielle (IA) entre en jeu. En effet, des modèles d’IA de plus en plus complexes, fondés sur des réseaux de neurones artificiels, sont déjà déployés par de nombreux acteurs privés. Ces modèles ont besoin d’apprendre à partir d’un maximum de données pour être performants. Ainsi, la présence d’informations vous concernant da

Mois de la cybersécurité : trois questions à Laurent Gélu, Cybersecurity Leader chez Kyndryl

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Laurent Gélu, Cybersecurity Leader chez Kyndryl

1/ Quelles sont les grandes menaces auxquelles devront faire face les entreprises ces 5 prochaines années ?

Comme aujourd’hui, les principales menaces sont les ransomwares, dont le coût a atteint 2 milliards d'euros en 2022 en France selon le Clusif, et les fuites de données confidentielles, de plus en plus fréquentes avec des conséquences financières majeures.

S'ajoutent à cela les catastrophes naturelles liées au changement climatique. L'exemple de l'ouragan Irma en Floride en 2017 est édifiant : une compagnie d'assurance américaine a vu son data center principal entièrement détruit, avec des coûts de réparation de plusieurs dizaines de millions et des semaines d'interruption d'activité. Ce type d'événement climatique extrême risque de se reproduire et mettre en péril les infrastructures IT vitales. Au cours des six premiers mois de l’année, les catastrophes naturelles se sont multipliées, obligeant les assureurs à débourser 12,7 milliards d'euros. Les inondations représentent la principale source de dépenses.

Il faudra également anticiper l’avènement de l’informatique quantique qui représentera une menace pour les données protégées. Cette technologie va « casser » les algorithmes de chiffrement utilisés actuellement pour sécuriser les communications, ce qui rendra les données vulnérables aux attaques, tout comme les menaces émergentes telles que l'IA malveillante, l'ingénierie sociale avancée et les attaques sur l'Internet des objets (IoT).

2/ Pourquoi les entreprises n’arrivent pas à anticiper et se prémunir de ces menaces ?

Je citerais deux raisons principales :

  1. Le manque d'investissement, avec seulement 5% à 7% des budgets IT consacrés à la cybersécurité. Les dirigeants ont du mal à allouer les ressources financières nécessaires, faute de sensibilisation aux risques cyber.
  2. La pénurie de compétences, la France ne formant que 7000 experts par an (ANSSI 2021). Beaucoup d'entreprises n'ont pas les RSSI et les équipes adéquates en interne pour sécuriser leur transformation numérique. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons lancé en 2022 la Kyndryl Academie, celle-ci nous permet de renforcer notre investissement sur les talents qui sont notre première valeur et d’accompagner nos clients dans ce défi majeur de besoin d’expertises sur les nouvelles technologies.

Par ailleurs, la transformation numérique ultra-rapide de ces dernières années a créé de nouvelles vulnérabilités que les entreprises n'ont pas su anticiper à temps. Le manque de sensibilisation des décideurs et le rythme intense du changement technologique sont donc des facteurs aggravants.

Enfin, j’ajouterais les disparités entre les entreprises. Si l’on reprend l’exemple de l’informatique quantique, cette technologie rendra la norme obsolète dans quelques années, il faudra donc actualiser l’ensemble du parc informatique. Pour une grande entreprise, cela ne posera pas de problème, en revanche pour une TPE ou une PME, cela va s’avérer plus compliqué. 

3/ La résilience, le Zero Trust, ces solutions technologiques offrent-elles une réponse pérenne et rentable ?

Selon IDC, les clients de Kyndryl en Europe peuvent réaliser un ROI de 568 % en 5 ans en investissant dans la cybersécurité, améliorant ainsi la résilience globale de leur entreprise. La résilience informatique et l'approche du "Zero Trust" offrent des réponses pérennes et rentables pour renforcer la sécurité des systèmes d'information des entreprises.

Par ailleurs, de nombreuses études montrent que les entreprises ayant un solide programme de cybersécurité ont une meilleure performance financière. Concrètement, investir dans la redondance des infrastructures, la mise en place de sauvegardes sécurisées, la segmentation des réseaux ou encore la gestion stricte des accès selon le principe de l’architecture Zero Trust, représente un coût pour l'entreprise mais lui fait gagner en résilience face aux cyberattaques et autres sinistres. Même si ces technologies impliquent un investissement significatif, les statistiques et retours d'expérience démontrent qu'il s'agit d'un choix stratégique rentable sur le long terme pour sécuriser le système d'information.

Enfin, j’insisterais sur la nécessité d’imposer dès aujourd’hui des mesures d’hygiène en cybersécurité à toutes les strates de l’entreprise. Cela inclut des actions aussi simples que la réalisation de sauvegardes régulières de vos données vitales, l'application des mises à jour et des correctifs de sécurité, la gestion rigoureuse des accès aux informations sensibles, ainsi que la réalisation de tests de vulnérabilité pour détecter les faiblesses. De plus, un plan de réponse aux incidents en cas d'urgence devrait être en place. Ces mesures, tout comme les normes sanitaires assurent la qualité et la sûreté dans les industries.

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