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États généraux de l’information : « Bolloré peut dormir tranquille »

  Par  Alexis Lévrier , Sorbonne Université Grand chantier voulu par Emmanuel Macron, les États généraux de l’information ont mobilisé 22 assemblées citoyennes, 174 auditions, des dizaines de contributions écrites, et ce, pendant 9 mois de travaux. Leurs préconisations ont été remises au président de la République, jeudi 12 septembre. Répondent-elles à « l’urgence démocratique », alors que le journalisme et le droit à l’information sont menacés ? Entretien avec le chercheur Alexis Lévrier. Comment avez-vous reçu les conclusions de ces États généraux de l’information voulus par Emmanuel Macron ? Il s’agit d’une immense déception. Concernant les médias, la seule promesse de campagne du candidat Macron, c’était ces États généraux de l’information (EGI). Ils ont été lancés d’une manière très solennelle, puis de nombreux intervenants de qualité ont participé aux groupes de travail. Le rapport pointe justement une urgence démocratique à protéger et à développer le droit à l’

50 ans de codes-barres : l’anniversaire silencieux d’une révolution mondiale

 

code barre

Par Jordan Frith, Clemson University

C’était il y a cinquante ans. Le premier code-barre moderne était scanné sur un paquet de 10 chewing-gums dans une épicerie de Troy, dans l’Ohio.

Cinquante ans, cela fait vieux pour la plupart des technologies, mais les codes-barres ont, eux, toujours le vent en poupe. Plus de 10 milliards sont scannés chaque jour dans le monde. Et les nouveaux types de symboles de codes-barres, tels que les QR codes, ont permis de multiplier les utilisations de cette technologie.

J’aurais été comme la plupart des gens, à ne plus prêter attention à ces humbles codes-barres, si mes recherches portant à l’origine sur les médias n’avaient pas pris quelques tournures étranges. J’ai passé une année de ma vie à fouiller dans les archives et les vieux articles de journaux pour en apprendre davantage sur les origines du code-barre et finalement en tirer un livre d’histoire culturelle. Si le code-barre n’a pas conduit à tatouer chaque humain comme des bêtes ni annoncé la fin des temps, comme l’ont craint certains théoriciens du complot, il a bien marqué le début d’une nouvelle ère dans le commerce mondial.

Une invention de l’industrie alimentaire

Si le monde a beaucoup changé depuis le milieu des années 1970, le code universel des produits (UPC), auquel la plupart des gens pensent lorsqu’ils entendent le mot « code-barres », est lui resté le même. Le code scanné pour la première fois sur un paquet de chewing-gum le 26 juin 1974 est fondamentalement identique aux milliards de codes-barres scannés dans les magasins du monde entier aujourd’hui.

Ce premier scan était l’aboutissement d’années de planification de la part de l’industrie alimentaire américaine. À la fin des années 1960, les coûts de main-d’œuvre augmentaient rapidement dans les épiceries et les stocks devenaient de plus en plus difficiles à suivre. Les dirigeants du secteur espéraient que le code-barre les aiderait à résoudre ces deux problèmes, et ils ont eu raison.

Au début des années 1970, le secteur a donc créé un comité chargé d’élaborer la norme de données UPC et a choisi le symbole du code-barre IBM parmi une demi-douzaine d’autres modèles. Cette norme et ce symbole sont toujours en vigueur.

D’après les notes de réunion que j’ai trouvées dans le fonds d’archives George Goldberg de la Stony Brook University, les personnes qui ont mis au point le système UPC avaient certes le sentiment de faire un travail important. Ils ne se doutaient cependant pas qu’ils étaient en train de créer quelque chose qui leur survivrait longtemps. Les estimations optimistes de l’industrie alimentaire prévoyaient que moins de 10 000 entreprises utiliseraient un jour les codes à barres.

Et la numérisation du premier code-barre UPC n’a donc guère retenu l’attention à l’époque. Quelques journaux ont publié de courts articles à ce sujet, mais sans en faire la Une. L’importance des codes-barres n’est apparue que des années plus tard, lorsqu’ils sont devenus l’une des infrastructures de données numériques les plus performantes de tous les temps.

Une révolution logistique

Les codes-barres n’ont pas seulement modifié l’expérience d’achat à la caisse : ils ont aussi permis d’améliorer considérablement le suivi des stocks. Plus facile avec eux de repérer les articles qui se sont bien vendus pour un réapprovisionnement rapide ! C’est aussi de l’espace gagné en rayon pour chaque produit. Comme l’a écrit l’expert en codes-barres Stephen A. Brown, ces gains de place ont permis une prolifération rapide de nouveaux produits. C’est grâce aux codes-barres que votre épicerie peut vendre 15 types de dentifrices parfois difficiles à distinguer. De même, les supermarchés d’aujourd’hui n’existeraient probablement pas sans l’énorme quantité de données d’inventaire produites par les systèmes de codes-barres. Comme l’affirme autrement Sanjay Sharma, professeur au MIT :

« Si les codes-barres n’avaient pas été inventés, l’agencement et l’architecture du commerce auraient été entièrement différents. »

Le code-barre moderne est né dans le secteur de l’épicerie, mais il s’y est pas limité longtemps. Au milieu des années 1980, le succès du système UPC a encouragé d’autres secteurs à s’y intéresser. En l’espace de trois ans, Walmart, le ministère de la Défense et l’industrie automobile américaine ont par exemple commencé à l’utiliser pour suivre les chaînes d’approvisionnement. Les sociétés privées de transport maritime s’y sont également mises pour capturer les données d’identification. FedEx et UPS ont même créé leurs propres symboles de codes-barres.

Comme l’a expliqué le sociologue Nigel Thrift, à la fin des années 1990, les codes-barres étaient devenus « un élément crucial de l’histoire de la nouvelle façon d’appréhender le monde ». Ils ont contribué à une mondialisation rapide qu’il serait difficile d’imaginer si les codes-barres n’existaient pas.

Derrière les technologies « ennuyeuses »

En tant que chercheur qui s’est intéressé à cette histoire au point de se faire tatouer sur le bras le code-barre de l’International Standard Book Number de mon dernier livre, le passage silencieux du 50e anniversaire du code-barre me semble presque poétique. J’ai grandi dans un monde où les codes-barres étaient omniprésents. Ils figuraient sur tous les produits que j’achetais, les billets de concert que je scannais, les colis que je recevais.

Le bras de l’auteur, tatoué du code-barre de son ouvrage. Stevie Edwards

Comme la plupart des gens, j’y ai rarement pensé, malgré – ou peut-être à cause de – leur omniprésence. Ce n’est que lorsque j’ai commencé à faire des recherches pour mon livre que j’ai réalisé comment un code-barre sur un paquet de chewing-gum avait déclenché une chaîne d’événements qui a transformé le monde.

Depuis des décennies, les codes-barres sont un outil de travail qui fonctionne en arrière-plan de nos vies. L’homme moderne les scanne un nombre incalculable de fois par jour, mais nous y pensons rarement parce qu’ils ne sont pas tape-à-l’œil et qu’ils fonctionnent tout simplement – la plupart du temps, en tout cas. Ils nous rappellent que les technologies apparemment ennuyeuses sont souvent bien plus intéressantes et conséquentes que la plupart des gens ne le pensent.The Conversation

Jordan Frith, Pearce Professor of Professional Communication, Clemson University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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